Quelque part, autrement

Deuxième volet du projet QUADrature

Commissaire : Ariane De Blois

Artistes : Anna Binta Diallo, faye mullen, Mona Sharma, Leila Zelli

En ligne

23 octobre 2020 - 31 décembre 2021

Vernissage : 22 octobre 2020, 17 h 00

www.quadrature-galerieuqam.art

Poursuivant son projet conçu pour l’espace virtuel, QUADrature, la Galerie de l’UQAM présente le deuxième de quatre volets : Quelque part, autrement. Commissariée par Ariane De Blois, cette exposition traite de connectivité à l’heure actuelle et propose, à travers les œuvres d’Anna Binta Diallo, de faye mullen, de Mona Sharma et de Leila Zelli, de nouvelles perspectives et façons d’appréhender le monde. La Galerie poursuit sa fructueuse collaboration avec le studio de design montréalais LOKI, chargé du design web pour l’entièreté de QUADrature.

L’exposition

À l’heure où nous éprouvons péniblement l’interdiction de nous rassembler et où les technologies de l’information et de la communication sont parmi les seuls moyens de maintenir le lien avec les autres, nous interroger sur nos modalités d’être au monde est devenue une question pressante, notamment en égard aux violences graves et systémiques que subissent plusieurs communautés et populations, ici même, comme ailleurs.

Dans son essai Habiter le monde, l’économiste et écrivain Felwine Sarr avance que les multiples crises que nous traversons (climatique, migratoire, montée des extrémismes) sont imbriquées les unes aux autres, et découlent d’une seule et même crise de la relationalité. Malgré une plus grande connectivité globale, nos rapports entre individus, groupes et sociétés ainsi qu’avec la nature qui nous accueille demeurent profondément marqués par des schèmes de domination. Ces derniers sont néanmoins remplaçables par une reconfiguration des régimes narratifs et visuels.

Comme autant de « contre-visualités », les œuvres rassemblées au sein de Quelque part, autrement s’emploient, poétiquement, à figurer différemment le monde. À travers des propositions personnelles et des points de vue ouvertement situés, les artistes Anna Binta Diallo, faye mullen, Mona Sharma et Leila Zelli explorent de manière croisée l’enchâssement des temporalités et des histoires, et le partage inégal des espaces, des territoires et des imaginaires.

Tandis qu’Internet reconduit les biais de pouvoir et sert de lieu propice au foisonnement d’idées extrémistes, des voix, des regards et des récits trop souvent occultés réussissent néanmoins à percer l’écran. En se servant d’images qui circulent sur le Web comme matière première, en les remixant et en se mettant respectivement en scène dans leurs œuvres, les quatre artistes font émerger des perspectives singulières, à rebours du régime visuel habituel. Afin que de la surface écranique s’opère vers le réel un transfert de nouveaux affects.

À propos de la commissaire

Détentrice d’un doctorat en histoire de l’art de l’Université McGill, Ariane De Blois œuvre dans le milieu de l’art actuel en tant qu’autrice, chercheuse et commissaire depuis une quinzaine d’années. Directrice artistique de Plein sud, centre d’exposition en art actuel à Longueuil, elle a fait partie du comité de rédaction de la revue esse arts + opinions, de 2014 à 2018. Ses projets commissariaux ont entre autres été présentés au Musée national des beaux-arts du Québec, à la Biennale de La Havane, à la Stadtgalerie de Berne et au Centro Nacional de las Artes à Mexico.

À propos des artistes

Anna Binta Diallo est née à Dakar (Sénégal) et a grandi à Saint-Boniface (Winnipeg) sur le territoire traditionnel des peuples Anishinaabeg, Cree, Oji-Cree, Dakota et Dénés et de la nation métisse. Elle vit et travaille aujourd’hui à Montréal, ou Tio’tia:ke, sur le territoire traditionnel des Kanien’kehá:ka. Artiste visuelle multidisciplinaire canadienne, elle explore les thèmes de la mémoire et de la nostalgie pour créer des œuvres inattendues sur l’identité. Elle a obtenu un baccalauréat à l’Université du Manitoba (2006) et une maitrise (MFA in Creative Practice, 2013) au Transart Institute, à Berlin. Ses œuvres ont été exposées à l’échelle nationale et internationale, à Winnipeg, à Montréal, à Toronto, à Vancouver, à Keuruu (Finlande) et à Berlin (Allemagne). Diallo a été récipiendaire de plusieurs bourses et distinctions. En 2019, elle a notamment été sélectionnée comme finaliste pour le Salt Spring Island National Art Prize.
annabintadiallo.com

S’appuyant sur une sensibilité sculpturale combinant une pratique d’observation, de geste performatif, de son et de l’image fixe et en mouvement, la démarche de faye mullen s’adapte au contexte relationnel et est informée par des responsabilités communautaires à titre de le’nikónirare. Par l’entremise d’une perspective 2S d’ascendance anishinaabé et allochtone, la démarche de faye mullen tend vers l’horizontalité mettant en forme des imaginaires queers et des manières décoloniales de faire monde. faye est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts de l’Ontario College of Art and Design (Toronto) et de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris ainsi que d’une maitrise de l’University of Toronto et d’un diplôme du Fresnoy – Studio national des arts contemporains (Tourcoing, France). Son travail a fait l’objet d’expositions collectives et individuelles en Asie, en Australie, en Europe et sur l’île de la Tortue, sa terre natale. Actuellement, faye oriente sa démarche à l’intérieur et aux côtés de la communauté de Tiohtiá:ke / Mooniyang / Montréal, s’efforçant de soulever la voix des sien·ne·s, de nourrir des liens de compréhension et d’honorer les silences sacrés.
instagram.com/fayeinacorn

Mona Sharma est une artiste canadienne de première génération d’origine sud-asiatique qui vit et travaille à Montréal. Elle a obtenu une maitrise (2012) et un baccalauréat (2007) en beaux-arts (Painting and Drawing) de l’Université Concordia. Inspirée par les tensions provoquées par les diverses natures de ses origines, son objectif à travers l’art est d’entretenir une réflexion critique face à la manière dont se forment les individus et dont fonctionne notre société. Elle a exposé son travail dans des galeries à travers le Canada (entre autres Montréal, Saskatoon, Calgary, Edmonton) ainsi qu’aux États-Unis, et a été récipiendaire de plusieurs prix et bourses, notamment du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada et de MAI (Montréal, arts interculturels).
monasharma.byethost24.com

Née àTéhéran (Iran), Leila Zelli vit et travaille à Montréal. Détentrice d’une maitrise (2019) et d’un baccalauréat (2016) en arts visuels et médiatiques de l’UQAM, elle s’intéresse aux rapports que l’on entretient avec les idées « d’autres »et « d’ailleurs » et plus spécifiquement au sein de cet espace géopolitique souvent désigné par le terme discutable de « Moyen-Orient ». Son travail a, entre autres, été présenté à la Galerie Bradley Ertaskiran (2020), au Conseil des arts de Montréal (2019-2020), à la Galerie de l’UQAM (2019, 2015) et à la Foire en art actuel de Québec (2019). Ses réalisations font désormais partie de la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, de la collection Prêt d’œuvres d’art du Musée national des beaux-arts du Québec et de la collection du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul.
leilazelli.com

Le projet QUADrature

QUADrature est inspiré de l’œuvre Quad (1980), de Samuel Beckett, une pièce écrite pour la télévision et mettant en présence quatre interprètes qui parcourent une scène quadrangulaire en effectuant différents trajets latéraux et diagonaux rigoureusement déterminés. Présentée pour la première fois en 1981 sous la direction de l’auteur, la pièce intégrait un faisceau de lumière colorée et une sonorité propres à chaque interprète. De stature semblable et de genre indifférencié, les interprètes étaient vêtu·e·s de longues tuniques à capuchons couvrant leur visage. Le scénario original déployé lors de la première itération transmise par la télévision allemande a ensuite connu quelques variables, établies par Beckett lui-même. L’œuvre se caractérise par une facture sobre, dépouillée, voire abstraite; toutes les combinaisons possibles de déplacement sont exécutées par les quatre silhouettes anonymes qui évoluent d’abord seules, et qui finissent par se trouver réunies, se croisant sans se toucher, laissant le centre de la scène vide à tout instant.

Il faut noter l’impressionnante résonnance qu’offre cette œuvre de Beckett avec la situation de pandémie mondiale que nous connaissons en ce moment. Du côté de Quad : l’écran télévisuel, le confinement à une surface précise, l’anonymat, les visages dissimulés, la répétition des parcours; du côté du contexte ayant motivé le projet QUADrature : l’écran numérique, le port du couvre-visage, les promenades routinières restreintes à des secteurs précis, la distanciation et l’absence de contacts physiques. Entre deux personnes, le centre est toujours vide. Beckett l’a qualifié de « zone de danger ».

Avec l’aide d’Anne Philippon et de Philippe Dumaine de la Galerie de l’UQAM, la directrice Louise Déry a imaginé QUADrature pour quatre commissaires invité·e·s à développer un volet du projet impliquant chacun quatre artistes. Ces expositions virtuelles seront déployées successivement au fil des mois, suivant les principes de la scénographie de Quad, pour être finalement réunies en une cinquième présentation anticipée comme une conversation globale qui mettra en présence le travail des quatre commissaires et des 16 artistes.

Si QUADrature est conceptualisé pour l’espace virtuel, et si l’idée même de rature est mise de l’avant dans des formules commissariales qui laissent place au doute, à la forme de l’essai, à la possibilité de recommencer, nous nourrissons tout de même le désir d’adapter le projet aux espaces de la Galerie de l’UQAM dans le meilleur avenir possible afin de donner aux œuvres leur pleine existence matérielle et expérientielle.

En savoir plus

La première itération de Quad :

Samuel Beckett, Quad I+II, 1981, Betacam SP, PAL, couleur, son, Collection Centre Georges Pompidou, France

Dirigée par Samuel Beckett et transmise par la Süddeutscher Rundfunk d’Allemagne le 8 octobre 1981 sous le titre Quadrat I+II (2 scénographies différentes), avec une intermission devant durer 100 000 ans selon un commentaire de l’auteur pendant les répétitions.

Le texte

Samuel Beckett, Quad et autres pièces pour la télévision, suivi de L’Épuisé par Gilles Deleuze, Paris, Éditions de Minuit, 106 p., 1992

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