Annie Thibault. Payez – Rendez la couleur que vous avez pris
Étudiante à la maîtrise en arts plastiques, UQAM
Artiste : Annie Thibault
15 janvier 1988 - 24 janvier 1988
Vernissage : 14 janvier 1988, 20 h 00
J’en ai assez de réfléchir sur la peinture parce que je n’ai pas les moyens d’en faire ! Au moment d’entrer à l’Université, il y a six ans et demi, je croyais honnêtement y trouver, y acquérir les outils adéquats me permettant de mettre fin à cet état de chose matérialiste bloquant sans cesse mon regard quand celui-ci s’élançait vers l’avenir. Il va sans dire que le statut d’étudiante offre « certains » avantages. Mais il faut être aveugle ou inconséquent, inconséquente, pour croire que l’obtention d’un diplôme dans le domaine des arts place la personne détentrice de ce diplôme à égalité avec les avocats, les avocates, ou les médecins. Faire de la peinture n’équivaut nullement à pratiquer un métier. À moins de se compromettre !
On a beau y tenir « par la peau des dents » et vivre misérablement à coup d’allocations mensuelles, il vient un temps où on espère la reconnaissance. Et celle-ci n’est que le reflet hypocrite des stratégies inimaginables auxquelles se livrent les personnes qui y aspirent. Ainsi, laissons donc de côté pour quelques siècles la mission de l’artiste qui consiste à « maintenir allumée la flamme d’une vision intérieure dont l’œuvre d’art semble être la traduction la plus fidèle pour le profane* ». Une « flamme » ça s’entretient ! Dans tous les sens du mot.
Même à voix basse.
J’ai abandonné « Suzanne » et mes recherches sur la représentation de LA femme enfermée dans une perspective historique. J’ai abandonné l’idée qu’à force de persévérance je verrai le jour où ma peinture serait « reconnue ». Je me compromets aux Foufounes Électriques à faire de la peinture en direct; je me compromets à peindre des « natures mortes » pour une galerie de l’ouest de Montréal; je me compromets à participer au Concours d’art populaire du Centre-Sud; je me compromets à faire des miniatures pour Peinturoton organisé par la galerie Dare-Dare.
Et je continue de croire que la peinture manque de contenu.
Et je pense que ma peinture n’a pas de sens. Qu’elle ne parle pas.
*Marcel Duchamp, Duchamp du signe : Écrits. Flammarion, Paris, 1975, p.328