Le septième pétale d’une tulipe-monstre

Le septième pétale d’une tulipe-monstre termine sa tournée canadienne à la Galerie de l’UQAM après avoir été présentée successivement à la Maison des artistes visuels francophones (Saint-Boniface, Manitoba) et à la Galerie d’art Louise-et-Reuben-Cohen (Université de Moncton, Nouveau-Brunswick), accueillant chacune de nouvelles articulations entre les œuvres. Le commissariat, assuré par la diplômée de l’UQAM Elise Anne LaPlante, est centré sur le concept du corps en mutation comme acte d’autodéfinition et d’émancipation tel qu’il se déploie dans les pratiques d’artistes féministes et queers.

L’exposition

Percevoir les textures du corps, chez une femme éléphant ou dans l’affect d’une pilosité, c’est accueillir des perspectives et des expériences qui ne sont pas minées par les mécanismes de domination ni par le primat de la raison. C’est au contraire privilégier des connaissances somatiques et sensibles. Par moment c’est un défi lancé à notre façon d’articuler notre pensée ou de saisir le réel et ainsi faire confiance à notre perception. Voilà l’invitation d’Elise Anne LaPlante, en présence des œuvres et des mots qui se croisent au sein du septième pétale d’une tulipe-monstre. 

Comment les différentes formes de normativité régissent-elles nos corps ? En quoi une recherche dans l’imaginaire corporel révèle-t-elle le potentiel qui réside dans les tensions générées par des états transitoires ou circulatoires ? Face à ces questions, nous ne pouvons nous priver de la poésie de l’imaginaire des femmes, des divagations et des connexions fertiles des imaginaires monstrueux et étouffés. Ils sont nécessaires à la libre circulation du souffle entre les pores et les organes et au dénouement des tensions qui se logent dans les archives de nos corps.

Terminant son trajet à Montréal, ce projet en trois expositions donne à voir des pratiques artistiques qui font place à des compréhensions et des revendications de corps hybrides, indécis, et qui explorent les possibles par la métamorphose. 

À propos des artistes

Travaillant à partir d’une position féministe, avec un intérêt marqué pour la santé — intime, publique, sociale et politique — Caroline Boileau crée des œuvres, souvent hybrides, qui s’élaborent par une pratique multidisciplinaire à travers l’installation, le dessin, la vidéo et la performance. Le corps hybride, les multiples représentations du corps — et celui de la femme en particulier — sont des thèmes récurrents dans sa recherche, inspirée par l’histoire de l’art, l’histoire de la médecine, des sciences et aussi par l’actualité. Par un travail en dialogue avec des lieux, des collections et des objets, des communautés et des gens, son travail tend à révéler des cohabitations improbables en proposant la transformation, à la fois poétique et politique, d’un espace partagé.
carolineboileau.com

Mimi Haddam interroge le rapport entre la forme et la matière, de même que la porosité entre le corps et les environnements. En investissant la nécessité de revendiquer sa propre légitimité au moyen d’une écriture guidée par le corps et les affects, elle témoigne du pouvoir d’action et de transformation de l’expérience sensible sur l’identité à la fois intime et collective. Ses projets, en quête de mouvements sensibles, investissent les espaces incertains et sans formes étanches. Elle est l’autrice des publications Attendez de m’enterrer pour chanter (Le Noroît, 2023), Petite brindille de catastrophes (La Tournure, 2017 ; réédition augmentée en 2019), C’EST ainsi que Il existe un palais de teintes et d’hyperboles, tous deux parus chez Omri en 2018.
mimihaddam.com

Ikumagialiit ᐃᑯᒪᒋᐊᓖᑦ (« Celleux qui ont besoin du feu ») est un quatuor d’art performance formé de Laakkuluk Williamson Bathory, Cris Derksen, Jamie Griffiths et Christine Tootoo. Un groupe dynamique de féministes, Ikumagialiit est butch, femme, rasé, tressé, musique, lumière, voix, et action — un amalgame de talents singuliers et de perspectives sur la vie à la fois énigmatiques et provocatrices.  S’interrogeant sur les manières de faire place à la peur lorsque la pression monte, Ikumagialiit adopte la métaphore de la baleine boréale afin d’apprendre à respirer en profondeur et d’explorer des pratiques inuites de méditation et de développement d’aptitudes spirituelles pour traverser ce périple.
ikumagialiit.com

Daze Jefferies est une artiste, écrivaine et éducatrice allochtone et blanche qui est née et a grandi dans la Baie des Exploits, sur la côte nord-est de Ktaqmkuk (Terre-Neuve-et-Labrador). En ayant recours à des archives, des objets trouvés sur la plage, des documents éphémères queer, des histoires racontées à voix haute, du son, de la poésie, de la sculpture, de la théorie, de la performance et des illustrations, sa pratique créative s’ancre dans la recherche et aborde l’océan en tant que corps en devenir. Ainsi, elle forme des contre-histoires diluées, disséminées ou dissimulées sur les riveraines et riverains queer, trans et travailleur·euse·s du sexe. De cet assemblage spéculatif émerge une histoire du toucher, du glissement et de la transition, dont l’espoir s’ancre dans les mutations de l’Atlantique Nord.
dazejefferies.com

Par le biais de sa pratique transdisciplinaire, Helena Martin Franco explore le métissage de différents procédés artistiques et l’hybridation entre des techniques traditionnelles et de nouvelles technologies. Helena crée des autofictions où elle explore la perméabilité et les frontières entre les identités culturelles, nationales et de genre. Ses propositions artistiques participent au dialogue autour des sujets de la violence sexiste, de l’immigration et de la censure artistique. Dans une perspective féministe, elle tisse des liens entre des collectifs et des organismes culturels afin de favoriser rencontres et échanges de pratiques artistiques, notamment entre le Canada et la Colombie. Helena est née en Colombie et elle vit à Tiohtià:ke/Montréal depuis 1998.
helenamartinfranco.com

Dominique Rey est une artiste multidisciplinaire dont les œuvres récentes explorent les complexités de relation ambiguë entre mère et enfant. Elle cherche particulièrement à dénouer la myriade de transformations découlant de la maternité et de ses mouvements incessants entre équilibre et déséquilibre. Les notions de présence et d’absence, d’attachement et de désir sont au cœur de cette recherche, brouillant les frontières corporelles et psychiques qui unissent mère et enfant.
dominiquerey.com 

Winnie Truong est une artiste torontoise qui explore l’identité, le féminisme et le fantastique par le dessin et le collage. La pratique de Winnie embrasse l’animation, le numérique, l’art public et l’engagement communautaire également. Son travail propose la perspective fabulée d’une naturaliste féministe provenant d’une autre dimension qui note avec minutie les entités mi-flore, mi-faune qui l’entourent, dans leur habitat naturel dénué de présence masculine et d’impératifs sociobiologiques. Ces créatures décomplexées évitent le regard de l’autre ; elles ont leurs propres façons de concevoir l’agentivité, le devenir, la beauté, et la sensualité. Ces figures se contorsionnent, gambadent, dévorent, surmontent et prennent soin les unes des autres, pleinement intégrées à des environnements où l’on peine à démêler membres, branches, et feuilles.
winnietruong.com 

À propos de la commissaire

Elise Anne LaPlante est commissaire indépendante, autrice et travailleuse culturelle. Elle s’épanouit dans les zones grises, est interpellée par la portée politique du poétique et s’intéresse aux imaginaires ainsi qu’à l’affect dans un souci de déhiérarchisation des savoirs. Parmi ses projets d’exposition récents, on compte Le murmure d’une empreinte (Arprim, Montréal, 2022, avec Caroline Mauxion et Céline Huyghebaert) et Cultiver l’humilité | M8jagen piwihozw8gan (7^e édition de la triennale ORANGE, Saint-Hyacinthe, 2022, cocommissaire : Véronique Leblanc). Ses mots ont quant à eux été accueillis dans plusieurs publications et carnets d’expositions ainsi que dans les revues esse arts + opinions, Espace art actuel et Vie des arts. Elle détient une maîtrise en histoire de l’art avec concentration en études féministes de l’UQAM et elle travaille à développer sa pensée écrite et sa posture curatoriale dans une démarche de réconciliation sensible entre théorie et pratique. Acadienne actuellement posée à Tiohtià:ke/Mooniyang/Montréal, ses pensées voyagent entre les régions.
eliseannelaplante.com

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